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A la fondation Van Gogh à Arles, des artistes ont la tête dans les étoiles

En septembre 1888, Vincent Van Gogh peint La Nuit étoilée, vue du Rhône à Arles au-dessous d’un ciel semé de planètes rayonnantes. La difficulté du sujet le captivant, il y revient une deuxième fois, à Arles, au-dessus de la place du Forum, puis, en juin 1889, déploie des spirales de comètes au-dessus de Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône). La première toile est conservée au Musée d’Orsay, la deuxième au Kröller-Müller Museum, aux Pays-Bas, et la troisième au MoMA de New York : aucune, donc, là où elles sont nées. Mais Orsay a accepté que la première revienne à Arles pour quelques mois et la Fondation Van Gogh a confié à Bice Curiger et Jean de Loisy le soin d’organiser une exposition autour d’elle.
Le sujet s’imposait à l’évidence : les découvertes astronomiques, du temps de Van Gogh jusqu’au nôtre, et leurs effets sur la création artistique sur la même durée, presque un siècle et demi. Pour en traiter, il a fallu rassembler les travaux d’un peu moins d’une centaine d’artistes et de savants : des œuvres célèbres signées de noms très connus, des œuvres méconnues aux auteurs illustres et d’autres dont les auteurs sont nettement moins illustres ou même, pour quelques-uns, inconnus en dehors des spécialistes. Comme elles sont le plus souvent accrochées par sections thématiques – observation du cosmos, comètes, mythes et religions, ésotérismes, etc. –, elles voisinent sur les mêmes murs, suscitant nombre de découvertes et de rapprochements imprévus entre des œuvres aux dates, origines et degrés de notoriété très variés. L’effet de surprise est encore accentué par la disposition irrégulière et tortueuse des salles, avec corridors et escaliers.
Ainsi arrive-t-il que l’on se trouve soudain face à un Kasimir Malevitch ou un Frantisek Kupka majeurs quand on s’y attend le moins, présences justifiées autant par les géométries de leurs compositions que par leurs allusions à l’astronomie et la physique. Ou face à un Georgia O’Keeffe, un Edvard Munch ou un Vassily Kandinsky rarement montrés et reproduits. Le Lumière stellaire la nuit, lac George, d’O’Keeffe, est un paysage nocturne de 1922 d’une pure simplicité de lignes droites et d’une densité chromatique extrême, élevant la contemplation de l’immensité jusqu’à l’hallucination.
Or, les mêmes mots s’appliquent à Bleu, composition de Kandinsky par cercles concentriques et nuances d’outremer relevé d’un disque écarlate. Elle est de 1927, cinq ans après le O’Keeffe, que Kandinsky ne pouvait pas connaître. Ce n’est donc pas d’une relation directe qu’il s’agit mais d’une convergence en aveugle. Alors que l’on ne songerait généralement pas à réunir l’Américaine et le Russe, preuve est ici faite que leurs œuvres peuvent résonner ensemble et que la distinction ordinaire entre abstraction et figuration est simpliste et inopérante.
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